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]]>Les francophones du Québec seraient, selon Statistique Canada, moins généreux que les autres Canadiens, et ce, malgré une tradition ancienne et encore très vivante d’entraide et de dons. Mais pourquoi n’ont-ils pas réussi, comme ailleurs au pays, à développer une culture de la philanthropie?
La pauvreté des francophones d’avant 1960
Ma première hypothèse est la pauvreté relative de la collectivité québécoise francophone, qui a duré jusqu’à la fin des années 1960. En effet, comment développer une culture de la philanthropie, quand on a à peine de quoi survivre?
Lors de mes recherches sur les débuts du XIX siècle, j’ai réalisé à quel point cette pauvreté ne datait pas d’hier. Je me rappelle avoir été intrigué par une lettre de Louis-Joseph Papineau, député à l’Assemblée législative du Québec depuis 1809, où il décrivait à sa femme la grande qualité des réceptions données par les membres anglophones de l’Assemblée. Il en était étonné, mais surtout très déçu de ne pas être en mesure de leur rendre la pareille.
Le vaste mouvement d’émigration des Canadiens-français, qui s’étale de 1840 à 1930, pour aller travailler dans les « factries » aux États-Unis, témoigne aussi de cette grande pauvreté. L’industrialisation massive de cette époque fournissait des emplois aux masses, mais selon le politicologue français André Siegfried, au début du XXe siècle, les salaires des ouvriers étaient inférieurs de 25% à ceux payés dans l’État de New-York ou en Ontario.
L’héritage du passé catholique
La prospérité d’après-guerre a permis l’émergence d’une classe moyenne francophone. Depuis les années 1970, on assiste d’ailleurs à un nouvel essor de la philanthropie au Québec. Je dis nouvel essor parce qu’il y a toujours eu une philanthropie au Québec, mais elle a traditionnellement été polarisée et organisée par l’Église catholique. C’est sous son égide que l’esprit d’entraide des habitants s’est exercé et c’est l’Église qui a doté le Québec de ses grandes institutions hospitalières, collégiales et universitaires.
À partir du XIXe siècle, l’Église est devenue le maître d’œuvre de la gestion du social. L’envergure des œuvres catholiques a touché tous les domaines, depuis la charité jusqu’à la culture, en passant par la sécurité sociale, la santé et l’éducation.
Ceci m’amène à ma deuxième hypothèse voulant que le rôle structurant de l’Église, en ce qui a trait à la philanthropie, ait été repris par l’État. Les Québécois francophones, habitués à voir une institution gérer les établissements pour le bien commun et agir comme grand compensateur pour rétablir un certain équilibre social, se fient encore sur l’État pour jouer ce rôle. La dîme annuelle et les quêtes hebdomadaires ont, en quelque sorte, été remplacées par l’impôt et les grandes campagnes de charité, comme Centraide et la Guignolée.
J’y vois donc un problème central, qui est à l’origine d’une forme de démobilisation et de grande passivité. Sans trop y penser, le Québécois est devenu indifférent vis-à-vis un certain nombre de causes sociales et culturelles. Il a été facilement entraîné à transférer à l’État toute la responsabilité de la mécanique sociale et surtout, à perdre de vue que les individus, les citoyens, ont aussi un devoir d’initiative.
Jean-Claude Robert
Professeur émérite
J’aimerais remercier le professeur Jean-Claude Robert pour cet excellent tour d’horizon. Je suis confiant que le Québec est sur une voie, depuis quelques années, d’une plus grande ouverture pour la philanthropie.
La multiplicité des causes et, en conséquence, la tenue de campagnes philanthropiques ont apporté des résultats encourageants et porteurs. Je suis conscient que la culture philanthropique québécoise doit être l’objet d’un effort de rattrapage et de changement d’attitude.
L’exposé du professeur émérite Robert nous a fait voir nos origines et nos racines. Maintenant, Campus Montréal doit faire de cette campagne une réussite et un pas vers l’avant en matière de philanthropie.
Je vous invite à lire le second billet du professeur Robert, Réflexions pour une nouvelle culture philanthropique au Québec.
John Parisella
Crédit photo : Andrew Dobrowolskyj
Sur la photo, de gauche à droite : Diane Baillargeon, directrice de la division de la gestion de documents et des archives; le recteur, Guy Breton; Chantal Thomas, directrice générale du Bureau du développement et des relations avec les diplômés; le Dr Serge Carrière, Me Jean-Pierre Rousselle, Gisèle Floc’h Rousselle et Jean-Claude Robert, tous membres de la Société du patrimoine; et Cristine Lamoureux, directrice des dons majeurs et panifiés au Bureau du développement et des relations avec les diplômés
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]]>Au cours des cinquante dernières années, la société québécoise s’est enrichie, s’est sécularisée et le moment me semble venu d’ajuster les pratiques de philanthropie. Mais pour y arriver, il faut développer de nouvelles attitudes, en tablant sur les acquis des mécanismes développés par la population québécoise concernant les dons, le bénévolat et l’entraide.
Exploiter les mécanismes philanthropiques d’origine
L’enrichissement relatif de la collectivité est un premier acquis, tout comme la démocratisation de l’enseignement et l’essor des études universitaires.
La crise de confiance actuelle de la population dans les capacités de l’État pourrait également avoir des retombées positives sur la philanthropie, puisqu’elle suscite des perspectives et des prises de conscience nouvelles. L’importance de la responsabilité des individus dans le bon fonctionnement des organismes de gouvernance a été mise en évidence, particulièrement dans le cadre des révélations de la Commission Charbonneau. Nous pourrions tabler sur le renouveau apporté par cette prise de conscience, pour mettre l’accent sur la responsabilité individuelle qui, nous le savons, fait toute la différence.
Au nombre des acquis, n’oublions pas l’importance de la tradition d’entraide, bien enracinée chez nous, qui peut encore être sollicitée à bon escient.
Développer de nouvelles attitudes
À mon avis, le processus de changement dans les attitudes en matière de philanthropie est déjà enclenché. Par exemple, je me réjouis de voir, dans les universités québécoises, l’intérêt des jeunes diplômés pour s’impliquer dans les campagnes de financement des fondations universitaires. L’action gouvernementale peut également aider en suggérant des nouveaux secteurs. En ce sens, le récent rapport du Groupe de travail sur la philanthropie culturelle me semble très intéressant.
La tradition philanthropique peut élargir ses racines dans notre société, mais il faudra y mettre du temps et de la constance dans les efforts. Il faudra aussi innover à partir des exemples que nous connaissons, comme les modèles qui ont fonctionné pour la communauté anglophone et la communauté juive, bien qu’ils ne soient pas les seuls.
Cependant, une grande question demeure : combien de temps faut-il nous donner pour ajuster nos comportements et nos attitudes vis-à-vis la philanthropie?
Jean-Claude Robert
Professeur émérite
À lire, le premier billet du professeur Robert, Constats historiques sur la philanthropie au Québec.
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